luni, 27 mai 2013

Le nouveau film de Leos Carax "Holy Motors"

Conquérant souverain, faussement mélancolique, incroyablement ludique, sidérant d’originalité et d’invention : Carax décoche un film génial.
C’est la dernière séquence du film. Les limos, qui ont durement bossé toute la journée, sont reconduites au garage. Sur la façade de ce dortoir à voitures brille une enseigne au néon vert qui écrit le titre du film.
Holy Motors ? Non justement, pas tout à fait. Le néon du second o de Motors a dû griller car ce qui se détache désormais en lettres phosphorescentes, c’est HOLY MOTRS. On sait trop le goût de Carax pour les anagrammes (Alex Oscar = Leos Carax) pour ne pas déplacer let et le r et entendre “Holy morts”. Qui seraient alors ces saints morts sur la dépouille desquels se recueillerait le film ?
Ils sont multiples. Il y a Henry James et Georges Franju, remerciés au générique ; Jean Seberg, sainte sacrifiée sur l’autel du cinéma moderne (dont Kylie Minogue ressuscite la blondeur dépressive des années 70) ; et puis Samuel Beckett, King Kong, Etienne-Jules Marey…
Et aussi toute l’œuvre de Leos Carax, ses films anciens patiemment revisités, motifs par motifs, la course de Denis Lavant devant un mur strié de mauvais sang, le Pont-Neuf et ses alentours, Monsieur Merde…
Comme si Carax nous invitait à déambuler dans sa chapelle ardente. Mais le saint mort parmi les saints, ce serait surtout le cinéma, une certaine forme en tout cas, celle de l’enregistrement.
L’animation numérique la cerne (sidérante séquence de combat enperformance capture) et la possibilité d’un cinéma sans caméra se fait jour. “Les caméras me manquent. Avant, elles étaient plus hautes que nous, puis elles sont devenues plus petites que nous. (…) La beauté est dans l’œil de celui qui regarde. Qu’en restera-t-il s’il n’y a plus personne pour regarder ?”, confie Denis Lavant à un méphistophélique mentor malicieusement interprété par Michel Piccoli.
C’est le côté jour de la Toussaint, visite à nos morts, jeu de l’oie parmi les tombes. Le film évoque le progressif estompement d’un certain agencement dans la façon d’arracher des images au monde que certains ont follement aimé sous le nom de “cinéma”.
D’ailleurs, il n’y a pas que les caméras qui n’ont plus de moteur. Dans leur garage, les limousines, soudain douées de parole, se lamentent sur leur prochaine disparition : “Les hommes n’aiment plus les machinesmatérielles.” Certes, mais si un jour prochain on n’entendra plus crier “moteur !”, cela n’empêche pas le film de rétorquer avec vigueur : “action !”

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